samedi 23 mars 2013

L’évaluation de travaux en sciences humaines… Ce n’est pas de la tarte!


Ouf… une période intense de correction se termine… Au fil des ans, après avoir expérimenté toutes sortes de stratégies pour tenter d’alléger cet aspect important de notre métier, corriger demeure toujours un exercice lourd et exténuant. Lorsqu’on y réfléchit, l’évaluation des productions étudiantes mobilise de nombreuses habiletés intellectuelles… physiques aussi! C’est également une opération capitale pour nos étudiantes et étudiants, puisque c’est une forme de rémunération à l’effort investi et, pour ceux et celles qui aspirent à des programmes contingentés, la note reçue constitue un enjeu très important.

Mis à part les maux de cou et de dos que cet acte professionnel engendre presque à tout coup, pourquoi chaque épisode de correction reste-t-il généralement si épuisant? Parmi les facteurs explicatifs qui viennent spontanément à l’esprit, il y a la question de la quantité de travaux exigés… Se pourrait-il que l’on en demande trop? Certains experts en pédagogie pensent que oui… et suggèrent quelques stratégies pour alléger ce fardeau : réduire le nombre de travaux écrits, recourir à l’autoévaluation, réduire la longueur des travaux… http://cll.qc.ca/Publications/Trip/Trip-12.pdf   D’ailleurs, les professeurs de sciences humaines ne sont pas les seuls à souffrir de la lourdeur de cette tâche… De nombreux enseignants de la formation générale s’en plaignent également. Des recherches sont menées pour tenter de rendre cet acte plus efficace.
http://www.cdc.qc.ca/parea/786967_roberge_correction_andre_laurendeau_article_PAREA_2008.pdf     D’autres collègues se tournent vers les TIC pour tenter de moderniser et de dynamiser le tout… http://www.profweb.qc.ca/index.php?id=3486&L=0

Or tous ces bons conseils et astuces sont-ils appropriés à l’enseignement des sciences humaines? Les genres de travaux qui contribueraient à réduire la charge de correction satisfont-ils les attentes de formation nécessaires à la plupart des programmes universitaires et, à terme, aux professions reliées aux sciences humaines? Cette question de fond sur les objectifs d’apprentissages et les cibles de formation en sciences humaines suscite généralement beaucoup de discussion. Certains professeurs vous diront que ce sont les connaissances qui priment… d’autres, des habiletés diverses (méthodes de travail intellectuel, analyse, sens critique…) et d’autres encore, la capacité d’écriture et de structuration de la pensée. En outre, les travaux demandés doivent mesurer adéquatement les apprentissages attendus… Évidemment, la nature des travaux affecte directement la charge de correction. Par exemple, est-ce que chaque copie sera évaluée selon une grille d’analyse complexe ou sera-t-il possible de juger de la réponse en un seul coup d’œil? 

De ces discussions sur les cibles d’apprentissages,  il se dégage parfois des consensus, comme celui de développer le sens critique ou de parfaire les habiletés d’écriture… Tous les collègues vous diront également que les cégeps doivent former de futurs professionnels compétents… Mais comment atteindre des objectifs aussi ambitieux sans les faire travailler sur des habiletés de fond comme celles reliées à la capacité d’articuler une pensée claire et étayée? Comment ne pas les faire écrire, chercher, traiter de l’information, débattre, argumenter, étayer leur point de vue… Tout cela exige de les faire écrire dans toutes sortes de contexte et de leur donner une rétroaction pertinente qui leur permettra de s’améliorer…

Nous voici au nœud gordien… Pour arriver à atteindre cet objectif de soutien au développement d’habiletés intellectuelles complexes, dont celles de la maîtrise de l’écriture et de la structuration de la pensée, il faut y consacrer beaucoup de temps, tant pour ceux qui produisent les travaux que pour ceux qui les corrigent… Certes les trucs d’autocorrection ou d’appui sur les pairs peuvent parfois faciliter le travail et l’alléger… Or le contexte et les conditions d’exercice de cette tâche rendent inévitables ces intenses périodes de correction. La seule façon de les réduire, c’est de donner moins de travaux ou de faire des évaluations du type objectif… L’approche par compétence semble proscrire les évaluations du type objectif, étant donné les situations d’apprentissage complexes qu’elle présuppose.  http://www.fse.ulaval.ca/gerard.scallon/valise_bep2/formeval.pdf

On recommande de réserver les évaluations objectives aux évaluations formatives… Alors que faire? Que faire aussi pour éviter ce « fardeau » lorsqu’on a 160 étudiants ou plus??? Encore ici, il semble que la solution réaliste soit de réduire la quantité des évaluations…  :-)  Est-ce possible de conserver des cibles d’apprentissages de qualité dans ce contexte? La plupart des professeurs refusent de réduire le nombre d’évaluations; certains s’autorisent bien quelques évaluations objectives, histoire de garder la tête hors de l’eau, mais corriger moins semble signifier, pour la majorité des profs, rogner sur la qualité de la formation… Alors?
 
Comment trouver l’équilibre? Corriger, ce n’est ni du gâteau ni de la tarte… et en Sciences humaines, pour arriver à bien préparer nos diplômés à l’université, la maîtrise de l’écriture et de nombreuses habiletés intellectuelles complexes est incontournable. Les étudiants doivent pouvoir exercer ces habiletés et les mettre en pratique de façon régulière. Cela exige notamment de concevoir un attirail pédagogique pour les inciter à écrire régulièrement et les amener à faire des travaux longs. Ces cibles de formation élevées finiront généralement par préparer adéquatement les étudiants aux études supérieures. En prime, les habiletés acquises en Sciences humaines en feront fort probablement des citoyens critiques et de futurs professionnels compétents!   

D’une manière générale, les professeurs de Sciences humaines font écrire beaucoup leurs étudiants et corrigent des tonnes de copies… Dans les gros cégeps, ils se retrouvent face à des masses d’étudiants en classe et dans les petits cégeps, devant de nombreuses préparations de cours… On n’y échappe pas. Il y a peut-être bien quelques solutions pédagogiques pour atténuer ce problème… mais permettez-moi d’en douter… Les professeurs acceptent cet état de situation comme on accepte le mauvais temps… Ils estiment normale cette lourde tâche. Se pourrait-il que leur grand professionnalisme les empêche d’évaluer objectivement la situation? Que l’on soit victimes d’une forme de surconformité? Il faudrait peut-être y songer sérieusement en période de négociations et revendiquer haut et fort quelques améliorations au calcul de notre tâche, pour qu’on reconnaisse enfin cette situation, ni bonne pour le programme, ni pour personne… Pensons-y… 

En attendant, peut-être que vous avez des solutions à proposer à vos collègues… Comment corriger moins sans rogner sur la qualité de la formation? Avez-vous des remèdes à partager?